Dossier : Observation de la pratique du combattant
Par A. BENET DTNA de la FFTDA août 1999
Pour une approche nouvelle de l’OBSERVATION de la pratique
De l’observation du combat en Taekwondo.
... Les définitions molles favorisent les dérivent sémantiques...
C’est ainsi que le professeur Pierre PARLEBAS introduit son approche terminologique et opérationnelle caractérisant clairement les pratiques sportives à l’aide de critères pertinents et contrôlables. (in Lexique en Science de l’Action Motrice INSEP 1981).
L’enjeu est important car il s’agit de préciser l’objet en question, d’objectiver non seulement la chose dont ont parle mais encore tout le discours qui va avec. Combien de malentendus à cause d’une pluralité des définitions du sport, des classifications hasardeuses des sports (taxinomie), combien de contresens relevés dans les devoirs écrits des examen et concours, y compris dans les plus difficiles (CAPEPS, Professorat de Sport) à partir d’une polysémie des concepts fréquemment sous tendue par des idéologies.
Cette introduction nous permet de mettre l’accent sur notre conception des actions de formation (la 1ere personne du pluriel indiquant qu’elle est partagée par d’autres personnes). il est fondamental de partir et d’aboutir à la pratique, nous entendons par-là de prendre en compte sa pertinence motrice, institutionnelle, socioculturelle.
Le sport est comme un gros gâteau de miel délectable guetté par les abeilles des ruches voisines mais aussi par une foule d’insectes et autres parasites qui veulent tous en avoir un bon morceau (et souvent le tout).
Derrière et autour de la pratique proprement dite (une technique, une compétition codifiée, une culture), existe un ensemble d’éléments en interaction (symboliques, idéologiques et surtout commerciaux) qui attirent à la manière d’un tropisme universel.
Ainsi si l’on n’y prend garde, le sport, et donc chaque pratique sportive, peut se retrouver inféodé, vassalisé, dominé, pris en main, par des castes d’entomologistes qui, à partir des éléments connexes entrant en jeu dans le phénomène sportif (institutionnels, médicaux, psychologiques, sociaux, législatifs, alimentaires, et à présent ceux des loisirs,.. .etc.), justifient sans pudeur leur présence puis leur tentative de domination.
Or les pratiques appartiennent aux pratiquants. Elles sont la résultante de ce que les sociologues nomment « l’Habitus » ou la « Doxa » des groupes (les styles de vie et de pensée). Elles expriment une histoire et une reconnaissance partagée de certaines valeurs symboliques, éthiques, corporelles, selon un principe d’identité de classe. Elles procèdent d’une micro-socioculture qui élabore puis entretien sa pertinence propre.
Il s’agit alors de ne pas entamer nos actions de formation en partant de la vérité des anatomistes, des physiologistes, des psychologues, des diététiciens, des sophrologues, ni même de celle des juristes ou des législateurs, fussent-ils distingués.
Il faut se poser, avant toute autre considération, la question de savoir ce qu’est la pratique sur le versant de l’Action Motrice (son Signifiant) en même temps que sur celui de la Sémiologie générale, c’est-à-dire le sens dont elle est porteuse et celui que la société confère à sa présence sur la scène sociale (son Signifié).
Le point de vue de l’expertise.
S’il est vrai, comme le dit Norbert ELIAS, que le sport en général assure une régulation discrète de la violence dans nos sociétés modernes, on peut alors penser que les sports de combat et autre arts martiaux se présentent comme une acmé de cette régulation.
Ils sont donc particulièrement intéressants pour tous ceux qui se sentent concernés par la problématique de 1’Education, dans l’acception la plus large du terme.
Aujourd’hui, l’abondance dans la littérature et dans les filins de la description et de l’image du combattant invulnérable, les récits de faits divers jusqu’aux étude sur le versant des sciences sociale, traitent des problèmes d’agressivité. L’exotisme préfabriqué par une plume journalistique à bon marché, nous apparaît comme un renforcement de cette «représentation collective».
Cependant, il s’agit de constater une rupture; celle qui s’installe entre le foisonnement des pratiques et la distribution de leur médiatisation réelle. Seule la boxe Anglaise occupe les chaînes T.V et fait se lever les spectateurs en pleine nuit pour un match retransmis de Las Vegas. Les fédérations les plus importante (Judo, Karaté) n’obtiennent pas 1’audimat que l’ont pourrait attendre en rapport avec leur nombre de clubs et de licenciés. Nous entrons ici dans la problématique de la spectacularisation des pratiques que nous traiterons plus avant.
En fait il nous semble que ce décalage peut s’appréhender à partir d’une question toute simple : « quand on parle de combat de quoi parle-t-on exactement ?. De sport, de spectacle, de show-business, d’un microcosme socioculturel fortement différencié d’une histoire orientale, d’un mythe transculturel I trans-historique, au croisement de la symbolique, du réel et de l’imaginaire?
Nous allons tenter d’éclairer cette réflexion en organisant notre analyse et notre discourt sur 1’affrontement, le combat, la compétition, du point de vue de l’Action Motrice afin de pouvoir dire (en l’objectivant) la signification exacte du duel à partir du relevé de quelques éléments déterminants et incontournables.
Nous savons, pour l’avoir constaté de nombreuse fois dans divers sport de combat, qu’il n’est pas aisé d’observer et de commenter un affrontement en direct (ni même en différé). Comprendre l’observation réalisée puis la verbaliser n’est pas une chose aussi simple que l’on pourrait le croire a priori.
En général, on entend beaucoup de banalités, des lieux communs, des stéréotypes ou des délires, à l’écoute des coaches et autres entraîneurs ou journalistes. De notre point de vue, ceci s’explique par le fait que l’émotion prend le dessus sur l’observation objective et méthodique du complexe technico-tactique en jeu.
Les discours qui en découlent, relèvent davantage du télescopage de la symbolique et de l’imaginaire que de l’analyse des praxies et du réel. Nous parlons ici des signifiants porteurs de signifiés, c’est-à-dire qu’il ne faut pas confondre l’ensemble des informations d’ordres; physique, technique, tactique, réglementaire, avec ce qu’elles suscitent de projections affectives dans l’action.
Notre projet est donc de fournir un principe d’analyse de l’objet observé (le combat), d’après une organisation de son observation (une méthodologie), en faisant appel à certains «outils» car il et évident que l’on ne saurait enseigner (et entraîner à) une discipline sportive que l’on n’appréhende pas clairement.
I) Le combat en tant que «Signifié ».
Le sujet est certes passionnant, toutefois Roland BARTHES ayant écrit dans ses Mythologies « Le monde où l’on catche », il serait prétentieux (voire inconscient), de nous aventurer dans une approche sémiologique de ce genre.
Nous pourrons l’aborder ailleurs et plus tard. Cependant, dans la perspective du traitement de sujets pouvant figurer aux épreuves écrites du BEES 2eme degré ou au concours du Professorat de Sport, il est opportun de souligner que les «représentations sociales », véhiculées dans l’inconscient collectif à l’insu des sujets, doivent être pris en compte par les éducateurs. Une fois le mot « combat » prononcé, les élèves lui associent toutes les connotations stéréotypées que colportent les médias ou les mythes de l’histoire ou ceux que les commerçants entretiennent.
S’inscrire dans un statut de «combattant» c’est ainsi se modéliser immédiatement sur des mots des images et des symboles, en particulier ceux qui entretiennent les soubassements des pratiques socioculturelles en évoquant la violence et 1’agressivite.
D’ou les réticences des enseignants du secteur scolaire à aborder les sports de combat dans le cadre de leurs cours d’E.P.S, agressivité rimant assez mal (hors de la poésie) avec sécurité, mais c’est là une autre question en instance de traitement...
II) Le combat en tant que « Signifiant»
Pour l’entraîneur sportif comme pour l’enseignant en éducation physique, tous deux éducateurs par principe, nous avons souligné dans une recherche menée a L’I.N.S.E.P (Mémoire pour le diplôme de L’INSEP.1990), l’importance d’une observation objective et méthodique, structurée et organisée, épurée de l’influence des facteurs socioculturels.
L’intervenant ne pourra proposer sérieusement un ensemble de discours, de stratégies et d’interventions, allant dans le sens des acquisitions par apprentissage de la vérité du combat, que s’il a lui-même accédé au préalable à une observation la plus juste possible de l’action motrice en jeu.
Il faut donc identifier (puis objectiver) les éléments signifiants, facteurs de la conduite motrice et des comportements moteurs «organisés dans un système de relations qui leur donne sens et fonction à chacun», afin de les relever, de les traiter, puis d’en proposer une analyse pertinente amenant à parfaire les démarches d’apprentissage comme les séances d’entraînement.
Pour cela nous aurons référence au paradigme : Observer - Diagnostiquer - Prescrire,
appliqué à la pratique sportive du Taekwondo.
Cette forme d’affrontement codifié peut s’aborder par un truisme ; il s’agit d’un sport de combat au cours duquel chacun des deux opposants doit frapper l’adversaire avec les coups autorisés.
Quelques précisons doivent être apportées immédiatement car, s’il s’agit d’un sport de percussion, il se différencie des autres formes voisines grâce à quelques éléments simples mais pourtant incontournables et décisifs.
On doit signaler ici l’importance des indicateurs discrets de la conduite motrice qui font que la logique de certains jeux proches dans une taxinomie, varie au grès de quelques nuances modifiant leurs aspects visibles et en font des pratiques institutionnalisées ou marginalisées.
Si, pour exemple, dès demain il est interdit de mettre l’adversaire KO (comme au Karaté) ou si les coups de poings à la tête sont autorisés (comme en Boxe), nous imaginons les répercussions d’ordre technico-tactique sous-jacentes, de même que les effets au plan de la spectacularité du combat de Taekwondo.
Il s’agit donc de relever puis de dire les éléments (et leurs rapports) qui caractérisent la Logique Interne propre au Taekwondo
Eléments de Logique Interne
I) Le Statut du Taekwondoïste ( du combattant )
1°) Il est dans un statut de «frappeur ». il lui est interdit de saisir, tenir, tirer, pousser, renverser l’adversaire .etc.
2°) Il doit se situer dans un face à face à l’engagement du combat, au moment ou l’arbitre dit “Tchi-jak”, puis il peut tourner le dos en attaque comme en défense (à partir du moment ou cette action ne représente pas un refus du combat).
3°) Il ne peut frapper qu’avec les armes autorisées (Surfaces de Frappe), les poings fermes et les coups de pieds.
4°) Il ne peut atteindre que les cibles autorisées (casque et plastron) sur leurs surfaces autorisées avec une limitation au plastron pour les coups de poings.
5°) Il ne peut évoluer que dans un espace restreint, de forme carrée, aux dimensions précises.
6°) Il ne peut combattre que sur un temps imposé, découpé avec précision en périodes d’action et en périodes de repos.
III) Les Rôles
Les adversaires face à face sont en situation d’interaction permanente dès que commence l’affrontement qui n’est jamais qu’une succession de «phases d’attente » et de «phases d’échange ».
Dès que l’arbitre dit “Tchi-jak”, le chronomètre démarre et immédiatement chacun tente de mesurer du regard la valeur de l’autre (son taux d’incertitude), tout en construisant son propre projet stratégique pour marquer un point ou conclure l’attaque décisive lors des phases tactiques, il s’agit de la phase d’ATTENTE qui n’est pas une phase de passivité mais au contraire une préparation à l’échange des coups.
Dès que l’un des deux combattants délivre le premier coup, nous entrons dans une phase dite d’ECHANGE. Par convention celui qui délivre le premier coup est appelé ATTAQUANT l’autre sera donc appelé ATTAQUÉ, même s’il le décalage temporel n’est que d’une fraction de seconde.
Nous verrons que ces rôles peuvent varier dans la seconde même car le jeu du duel relève de la contre-communication motrice (par opposition à la communication).
Il s’agit en effet, pour chaque adversaire, de ne pas être compris par autrui, ou plutôt d’être mal compris (dans la perspective de la feinte).
Pendant la phase d’ATTENTE on distingue 3 Rôles :
* En ATTENTE ACTIF DOMINANT
* En ATTENTE ACTIF DOMINÉ
* En ATTENTE PASSIF.
Pendant la phase d’ECHANGE on distingue 2 Rôles :
* ATTAQUANT
* ATTAQUÉ
IV) Les Sous- Rôles :
Pour le Rôle ATTAQUANT on distingue 2 SOUS-RÔLES
* ATTAQUANT DIRECT, C’est celui qui fonctionne sur le mode réflexe, qui saisit toutes les opportunités (erreurs de déplacement de l’adversaire, fautes de garde) telles qu’elles se présentent.
* ATTAQUANT INDIRECT C’est celui qui prépare ses attaques, qui a des intentions tactiques visibles par un placement élaboré, des déplacements stratégiques, des feintes préparatoires à «l’ouverture » lui permettant de déclencher ses coups.
Pour le Rôle ATTAQUÉ on distingue 5 SOUS-ROLES
· ATTAQUÉ BLOQUEUR (Pareur) C’est celui qui exécute des techniques de blocage (parades) avec les poings ou les avant-bras afin de neutraliser les coups de l’adversaire.
· ATTAQUÉ ESQUIVEUR C’est celui qui effectue des esquives de corps (sans déplacement des appuis), des esquives partielles (avec déplacement d’un appui), ou totales (avec déplacement des deux appuis), afin de ne pas être touché.
· ATTAQUÉ CONTREUR C’est un défenseur rapide qui déclenche son coup sur le coup adverse (en cross) dans un bon «timing» sans avoir effectué d’autres techniques de défense.
· ATTAQUÉ STOPPEUR C’est le plus haut niveau du «timing ». C’est le coup d’arrêt déclenché avant même que l’adversaire n’ait déclenché le sien. Ce sous-rôle de très haut niveau nécessite beaucoup de vitesse de préaction (anticipation) et d’exécution.
· ATTAQUÉ CONTRE-ATTAQUANT C’est le sous-rôle le plus fréquemment observé pour lequel il s’agit d’effectuer une technique de défense (blocage ou esquive) puis de revenir en riposte rapide avant que l’adversaire ne se soit réorganisé.
· Ce sous-rôle rejoint donc le rôle d’ATTAQUANT Indirect, puisque l’attaque (en contre) est préparée par une technique de défense.
Alors, nous constatons que la boucle des Rôles et Sous-Rôles est bouclée. La lecture du duel est complète. Il suffit de bien comprendre alors les réseaux de relations qui permettent la fluctuation et le passage d’un Sous-Rôle à l’autre.
Rappelons encore que cette fluctuation des Sous-Rôles en «va et vient» s’effectue très rapidement et constamment pendant la durée de chaque phase d’échange.
IV) Objectiver les éléments Signifiants
S’il est vrai qu’apprendre sous-entend une transformation du sujet et qu’enseigner sous-entend la mise en place des consignes et dispositifs facilitant cette transformation, nous devons prendre en compte la logique de fonctionnement du sujet apprenant mais aussi celle de la matière (discipline sportive) à enseigner.
Avant de décider du choix d’une pédagogie et d’une didactique de la matière il est prépondérant de bien comprendre de quoi il s’agit, non seulement d’un point de vue sémantique (pour la communication ) mais encore et surtout du point de vue de l’Action Motrice en jeu.
En effet, nombre de pratiquants de haut niveau ne sont pas en mesure d’analyser et de restituer ce qu’ils ont fait en compétition lorsqu’ils rejoignent les rangs des entraîneurs / éducateurs. Ils se limitent aux références d’un vécu sans pouvoir l’expliciter. «Fais comme moi »...
De même, l’une des difficultés majeures rencontrées par les enseignants d’E.P.S lorsqu'ils abordent les jeux sportifs de combat, relève sûrement d’une forme de complexe face à des pratiques fortement différenciées par leurs origines propres, leurs rituels, leurs codes, leurs règles, s’ils n’ont pas été pratiquants eux-mêmes.
Une approche et une présentation de la Logique Interne de l’activité (du combat), doit introduire, sans la dénaturer une approche de la matière à enseigner, puis les options et les choix qui s’imposent face à cette réalité.
V) Matière à enseigner
Traiter des arts martiaux et des sports de combat ne signifie pas que l’on a pour finalité la production de commandos ou de tueurs à gages, ou autres Samouraïs modernes.
Dans notre société, il est d’usage de faire appel aux pratiques sportives pour favoriser l’éducation et l’épanouissement du sujet. Les diverses situations motrices ludosportives, avec la nature, avec des partenaires, avec des adversaires, avec partenaires/adversaires, sont proposées au plus grand nombre puis à une élite émergente qui vise la compétition.
Il semble évident que le traitement de la transmission des savoir-faire, tout au long de l’échelle, doit se faire dans un souci de respect de l’intégrité physique et mentale des «apprenants », d’une sécurité maximale même si le sport est traumatisant par essence.
Partir de cette réalité, c’est donc privilégier certains exercices, certaines mises en situation par rapport à d’autres outils pédagogiques.
a) Définition de la notion d’affrontement en Situation d’Apprentissage.
Si, dans sa logique propre, la situation de combat autorise la mise hors de combat de l’adversaire (KO) dans le respect des règles, il est évident que les situations d’apprentissages doivent l’interdire formellement.
Les coups ne seront délivrés qu’avec un contrôle suffisant, sans recherche de puissance ni sur des endroits sensibles pouvant traumatiser l’attaqué.
Il s’agit d’atteindre une certaine maîtrise gestuelle, garante de la qualité de la technique et de la maîtrise des actions.
b) Enoncé des objectifs
Les objectifs pédagogiques ainsi dégagés seront d’amener les élèves à comprendre et à contrôler ce qu’ils font par l’acquisition de la maîtrise des comportements et des conduites motrices en situation d’apprentissage (SA) comme en situation de référence d’opposition (SR).
L’objectif sous-jacent reste celui de la gestion de l’incertitude créée par l’un, perçue par l’autre, et réciproquement.
C’est par l’apprentissage de la lecture d’autrui, de ses intentions traduites en actes, que le débutant surmontera ses craintes, ses peurs, et passera à une gestualité organisée à partir de ses stratégies d’intervention ou de celles qui seront induites par l’éducateur. Un concept moderne traite d’encodage et de décodage sémioteurs.
c) Enoncé des grands principes
Le principe directeur théoriquement commun à tous les entraîneurs/éducateurs est de « ne pas nuire ». Il implique l’observation d’autres principes sous-jacents qui se déclinent par ; le respect de l’élève, une conception de l’homme (donc de l’enfant), une idée de la pratique, une philosophie de l’action motrice, un modèle de la relation pédagogique, une attention particulière à la sécurité des sujets. . . etc.
d) Enoncé de la tâche
L’art du combat, et ce qui le rend utile dans un contexte éducatif au sens large, c’est le contrôle progressif des affects et des émotions par le contrôle de situations de stress réelles.
S’il est toujours question d’atteindre une cible autorisée avec les armes autorisées, dans un espace et un temps strictement définis, il est surtout intéressant en fait de savoir le faire sans être touché soi-même et dans le plus grand contrôle d’autrui.
Il faut donc apprendre à lire autrui (encodage), à décoder ses intentions (décodage), à anticiper sur sa tactique afin de lui en imposer une autre (préaction), à agir vite et avec précision, pour toucher le but, pour être (le) dominant en ayant l’intelligence de la situation.
e) Aménagement des règles
Si l’on ne perd pas de vue les éléments décisifs de la Logique Interne du jeu, on s’aperçoit qu’il est possible de manipuler les mises en situation par des consignes plus facilitantes ou plus contraignantes en jouant sur les facteurs précités.
Pour exemple, on pourra influer sur le choix de la cible (casque plastron), sur la surface à atteindre (zone, cercle), sur le choix des armes imposées (pieds/poings-avant/arrière), sur les dimensions de l’espace de combat (plus grand, moins grand, en angle, sur les limites), sur la scansion du temps (périodes plus courtes, plus longues, alternées), sur les définitions ou les changements des Rôles et Sous-Rôles (attaquant, défenseur, esquiveur, contre-attaquant).
VI) Les Observables
Confucius a dit bien avant nous : «L’important est de classer les choses, quand les choses sont classées la connaissance vient ...»
Pour comprendre un système il est nécessaire de comprendre les structures qui le composent et les éléments de ces structures en interaction.
Il est donc nécessaire tout d’abord de connaître leur existence puis de savoir les observer.
Rappel des Rôles et Sous — Rôles au cours des phases
OBSERVABLES au cours de la PHASE d’ATTENTE
EN ATTENTE | ||
Actif Dominant | Actif Dominé | En Attente Passif |
Si les deux opposants sont de valeurs à peu près égales, c’est-à-dire si les actions/réactions permanentes ne déterminent pas une domination notable, c’est parce qu’ils activent et neutralisent leurs capacités perceptivo-cognitives qui sont à la base de leurs stratégies d’intervention.
En clair, les tentatives de cadrage, les déplacements et placements tactiques (volontaires ou provoqués), les feintes de corps ou de déplacement ou de coups, ne leurrent pas l’attaqué.
Par contre, les indicateurs de la domination de l’un sur l’autre se relèvent ainsi :
* un placement efficace par des déplacements appropriés permettant des feintes et des préparations d’attaque tout en neutralisant les tentatives adverses.
Les résultantes de la combinaison de ces divers paramètres seront les OBSERVABLES suivants : |
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Technico-tactique | Spatiale |
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Entre deux phases d’ATTENTE se situe toujours une phase d’ECHANGE et la durée de ses phases est parfaitement irrégulière, imprévisible.
TABLEAU D'OBSERVATION DES ACTEURS DANS UN DUEL LUDO-SPORTIF
Il s‘agit de gestes de type réflexe qui doivent être réalisés dans une fraction de seconde, en fonction des opportunités
Il est évident que les savoir-faire sont en liaison avec le niveau de pratique ; un haut niveau fera apparaître nettement la préparation de l’attaque, l’utilisation de l’espace, l’opportunité du déclenchement (timing), l’exploitation de l’attaque (enchaînements), et surtout la fin du développement de l’attaque (le retrait) sans se faire toucher (contrer, ou contre-attaquer).
ROLE ATTAQUÉ
Nous avons volontairement occulté le sous-rôle attaqué touché, cependant il va de soi que pour le coach, il faut analyser et comprendre pourquoi son combattant est touché, c’est-à-dire à partir de quel rôle, de quel sous-rôle (de l’adversaire), dans quel placement, etc.
Il faut donner les consignes de recul permanent pour donner du champ à la vision puis d’esquive par retrait pour mieux voir les attaques, puis de neutralisation dès que possible des gestes de l’adversaire.
Si aucune réponse motrice adaptée ne survient rapidement, il faut alors changer de partenaire (plus lent, plus débutant) pour reconstruire un autre schéma perceptivo-moteur.
a) SOUS ROLE ATTAQUÉ-PAREUR
Nous l’avons déjà vu, il s’agit de celui qui bloque, pare, ou chasse les coups qui lui sont destinés la plupart du temps avec les poings et les avant-bras. il est donc touché mais pas sur la cible et ne perd pas de point
OBSERVABLES :
- opportunité du blocage (est-il la meilleure solution au regard du niveau de pratique, de la situation, du contexte)
- efficacité de la parade ( angles fermés ou partiellement ouverts)
- perspectives après la parade... ( remise, contre-attaque) avec ou sans déplacement approprié...
b) SOUS ROLE ATTAQUÉ-ESQUIVEUR
Il s’agît de celui qui évite les coups afin de ne pas être touché sur la cible. Il utilise des mouvements du buste (les appuis ne bougent pas), ou des esquives partielles (un appui se déplace), ou des esquives totales (les deux appuis se déplacent). Il est en position avantageuse car les deux poings sont libres et les deux pieds peuvent agir.
Observables :
- Timing de l’esquive
- Distance de l’adversaire, replacement après esquive
- Exécution spatio-temporelle (petite, grande, lente, rapide)
- Position du corps et des bras pendant l’esquive
- Liberté de frappe pendant l’esquive
- Liberté de contre-attaque
c) Sous Rôle ATTAQUÉ-CONTREUR
Nous atteignons le haut niveau de pratique car le « contre » fait appel à l’anticipation à très grande vitesse. il faut délivrer un coup dans le coup adverse (cross). La perception doit donc être instantanée de même que l’exécution, ce qui suppose une extrême vigilance, des automatismes affûtés, un savoir-faire technique de haute précision, une très bonne coordination de tous les gestes.
OBSERVABLES :
- Sens de l’anticipation
- Ajustement du coup en contre au coup d’attaque de l’adversaire
- Vitesse, précision (timing)
- Enchaînement ou retrait après le contre
d) SOUS-ROLE ATTAQUÉ-STOPPEUR
C’est certainement une caractéristique du plus haut niveau qui se manifeste par l’utilisation d’un «spécial» juste au déclenchement de l’attaque de l’adversaire. C’est le résultat de l’anticipation de l’anticipation de l’autre c’est chercher à annihiler l’attaque à son départ.
il s’agit du meilleur «timing» nécessitant une perception très fine, une réponse motrice de type réflexe, travaillée à partir du montage d’automatismes non seulement au plan perceptivo-moteur mais encore au niveau du traitement de l’information (cognitif), soit un traitement mental du complexe technico-tactique à Vitesse Maximale.
OBSERVABLES:
- ajustement de l’anticipation à l’anticipation de l’adversaire
- lecture des feintes et intentions adverses
- vitesse et précision du coup d’arrêt
- cadrage de l’adversaire après le coup
- exploitation de la réussite
- replacement...
e) SOUS- RÔLE ATTAQUÉ CONTRE-ATTAQUANT
Toujours dans un niveau de pratique supérieur, nous touchons ici au réseau de changement des Sous-Rôles témoignant d’une grande capacité d’anticipation donc de la mise en œuvre de schèmes opératoires plus élaborés au service d’une gestuelle plus efficace.
Le Contre-Attaquant, par rapport au Contreur, étant celui qui effectue une action défensive avant une action offensive. Sur une attaque adverse, il fonctionne sur la gestion d’un complexe technico-tactique de défense (blocage, esquive) et il enchaîne en changeant de Sous-Rôle et surtout de Rôle puisqu’il devient attaquant à son tour.
On peut à ce titre le considérer comme un attaquant indirect puisqu’il y a préparation de son «attaque - contre-attaque ».
OBSERVABLE :
- Choix de la défense (blocage, esquive)
- Efficacité de la défense (adaptée)
- Choix de la contre-attaque (jambe avant, jambe arrière)
- Liaison défense-attaque (sans rupture)
- Efficacité de la contre-attaque (enchaînements, exploitation)
- Replacement (sans être touché)
La distinction des rôles et des sous-rôles en attaque comme en défense est fondamentale pour la compréhension du combat, pour l’analyse des points forts et des points faibles en fonction des rôles ou des sous-rô1es adoptés. Par exemple il est urgent et important de comprendre dans quelle situation d’attaque (dans quel rôle) de 1er ou 2ème en action, le combattant est dominant ou dominé, dans quelle situation de défense (dans quel sous-rôle) de blocage, d’esquive, de contre ou de contre-attaque le combattant prend l’avantage ou au contraire se fait dominer.
Les corrections d’ordre pédagogique en situation d’apprentissage dans le cadre des séances au club ou les conseils d’ordre technico/tactique eu situation de compétition, ne seront pertinents que s’ils sont en correspondance avec la réalité de la dialectique de l’action motrice en question.
VII) Elaboration de la GRILLE d’OBSERVATION
Ainsi abordé, le combat en compétition et les jeux d’opposition en séance d’apprentissage du Taekwondo deviennent plus facilement compréhensibles.
Il faut avoir une vision volontairement organisée du Randori comme du Shiai, permettant de comprendre ce qui se passe c’est-à-dire :
Pourquoi celui-ci est dominant pourquoi celui-là est dominé?
- Qu’est-ce qui a engendré le renversement de situation ?
- Sur quels éléments doit-on influer pour changer l’aspect de la confrontation ?
- Quels conseils d’ordre pédagogique après une observation centrée sur les conduites motrices?
- Quels conseils à la minute de repos en compétition?
- Que faudra-t-il travailler (points forts ou points faibles) lors des prochaines séances d’entraînement en salle ou sur la piste?
- Les facteurs de la Logique Interne de l’affrontement, que nous avons mis en évidence, doivent nous permettre de mieux concevoir l’élaboration de nos grilles d’observation.
Rappel
- A partir des PHASES
- A partir des ROLES
- A partir des SOUS-RÔLES
1er ) A partir des phases
Rôles et Sous-Rôles observés avec relèvement des éléments observables positifs c’est-à-dire allant dans le sens de la domination et négatifs c’est-à-dire allant dans le sens inverse.
EN ATTENTE | EN ECHANGE | ||
DOMINANT | DOMINÉ | DOMINANT et/ou DOMINÉ | |
Observables positifs | Observable négatifs | Rôles | Sous-Rôles |
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Attaquant | Direct / Indirect |
Attaqué |
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2ème ) A partir des Rôles ATTAQUANT ou ATTAQUE
TABLEAU : OBSERVABLES au cours de la phase d’ECHANGE
Principes d’élaboration des grilles
Notre logique de construction des grilles d’observation est fondée sur la discrimination et la hiérarchisation des éléments observables, facteurs déterminants de la conduite motrice dans un jeu sportif de combat.
Une fois identifiés, les rôles et les sous-rôles replacés à l’intérieur des phases d’attente ou d’échange, ne peuvent échapper à l’observateur vigilant et averti.
Ce que nous appelons ici «éléments positifs ou négatifs» sont identifiés pour une large part en praxéologie sous les vocables de gestèmes et de praxèmes (plus petits éléments signifiants de la motricité).
Pour nous il s’agit plutôt de signaux indiquant les intentions tactiques du joueur et annonçant souvent ses changements de sous-rôles.
Nous n’entrerons pas plus avant dans le détail de ce type de décodage d’autrui
(de lecture de sa conduite motrice), mais nous soulignons que les indicateurs essentiels ne se disent pas forcément immédiatement en termes de technique.
Les gestes techniques existent en tant que tels mais ils ne sont jamais que la résultante de tout un ensemble de processus perceptivo-cognitivo-moteurs.
La technique en soi n’est jamais que l’outil ultime, le dernier maillon d’une chaîne de praxies dans un flux comportemental dû aux interactions socio motrices.
Aussi préférons-nous parler de « formes de corps », ou de « gestuelles » que de techniques traditionnelles dans le cadre de ce type d’analyse.
Les coups de poings, coups de pieds, blocages, se disent selon une terminologie coréenne mais en fait ils n’obéissent qu’à une seule condition : être délivrés avec leurs surfaces autorisées et arriver sur les cibles autorisées.
L’arbitrage, c’est-à-dire le contrôle du respect du contrat ludique, ne sanctionnera pas une technique plus ou moins orthodoxe en combat, par contre il relèvera et sanctionnera immédiatement une technique ne respectant pas les éléments constitutifs de la Logique Interne de l’activité : armes, cibles, espace, temps.
Les coups délivrés sont tous entiers dépendants des facteurs suivants :
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